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Interview à propos de Dieu veille Toulouse

(Les Bocaux de Verlaine)

Toulouse, une ville où, normalement, il fait bon vivre. Mais cette fois, on y meurt mystérieusement. Le changement de millénaire fait sortir de l'ombre les assassins et ceux qui les traquent. Dieu est de ceux-là. Franz Dieu, officier de police qui traîne son vague à l'âme, depuis qu'on lui a vitriolé la figure lors d'une interpellation. Secondé par une jeune policière stagiaire, dont c'est la première enquête, et préoccupé par le sort d'une adolescente handicapée mentale qu'il a prise en affection, il va courir après la vérité, au péril de sa vie et de celle de ses proches. Les victimes se succèdent. Toutes, têtes éclatées et paupières arrachées. Elles n'ont apparemment aucun lien entre elles.

Reconnaissez-vous être l'auteur de « Dieu veille Toulouse », pouvez-vous vous présenter ?

C'est mon premier roman policier d'enquête. J'avoue avoir pris un réel plaisir à m'y plonger corps et âme durant les mois d'élaboration. Et, puisqu'il faut tout dire, disons  qu'il s'est agi, pour moi, de rendre, avec mes moyens, ce que j'ai pu prendre à toutes les lectures, toutes littératures confondues, qui m'accompagnent depuis que j'ai le goût de lire. Tous les romans que l'on écrit naissent de quelque chose. Je me souviens que le processus de création de "Dieu veille Toulouse" s'est enclenché après avoir visualisé les pistolets paralyseurs, armes non létales, dont pouvaient se servir les forces de police.

Quels sont vos mobiles ?

Ecrire est l'autre manière de lire, de voir des films ou de se faire du cinéma. Ce qui est frustrant quand on se passionne pour une histoire qui nous est racontée, c'est qu'elle est souvent trop vite terminée. En écrire soi-même est un très bon moyen d'être enfin plongé dans une histoire au moins pendant des mois. On fait durer le plaisir, même si écrire demande beaucoup de travail, surtout dans la conception d'un roman policier d'enquête, où chaque détail compte et où le monde réel a son mot dire, à des fins de vraisemblance et de crédibilité.

Le livre était-il prémédité ou avez-vous agi par impulsion ?

Avant de se lancer dans l'écriture d'un roman, oui, les idées jaillissent, qu'on sache d'où elles viennent ou non. La trame peut apparaître aussi d'une illumination, mais, ensuite, toute la construction, surtout pour ce genre de roman, ne peut se préparer qu'avec préméditation. Il faut que tout colle en permanence. Comme pour une véritable enquête, le roman policier d'investigation est un puzzle dont les pièces doivent pouvoir s'imbriquer les unes aux autres parfaitement. D'où un travail préparatoire important. Avant et pendant la rédaction. Et même après, parce que ce roman, je l'ai transformé trois fois avant sa version définitive.

Estimez-vous avoir des circonstances atténuantes ?

On demande souvent aux auteurs qui racontent des histoires terrifiantes : mais comment pouvez-vous imaginer de telles horreurs ? Etes-vous dérangé ou est-ce un exutoire ? Non, je crois qu'il s'agit, via la fiction, de montrer ce que l'on ressent, dans le monde réel dans lequel on vit et où il est difficile, à un niveau individuel, de faire bouger les choses. Autour de nous, des gens vivent des choses pires que dans les livres, mais on ne le sait pas, on ne s'en doute pas, ou on ferme les yeux pour ne pas voir. Alors, écrire est au moins un message qu'on s'adresse à soi-même, et si quelqu'un d'autre vous lit et partage, le temps d'une lecture, vos questionnements sur la société, c'est votre contribution, certes petite, pour que son regard change.

Aviez-vous des commanditaires, des complices ?

Les meilleurs alliés de l'auteur sont ses personnages, même si quelquefois ils rechignent à faire ce que l'on voudrait qu'ils fassent. C'est dans la méditation entre la rédaction de deux chapitres que surviennent les effets de surprise. Personne n'est en fin de compte tel qu'on l'a imaginé. Au début de la rédaction, on a des idées préconçues sur tout notre petit monde, et on se trompe comme avec les vrais gens que l'on croise. D'autres complices encore, sûrement tous les romanciers lus et aimés qui m'ont donné l'envie d'écrire. 

Quelles sont vos méthodes ?

Selon les romans, l'écriture peut me demander de trois mois à plus d'un an de travail. Pour un roman d'enquête, tel que "Dieu veille Toulouse", c'est deux années. Il a été réécrit trois fois, en tenant compte des critiques des premiers lecteurs. Un autre roman, pas policier, paru également au Manuscrit, "Sony l'a fait", a vu une première version en feuilleton sur Internet. J'ai besoin de laisser reposer un texte avant de le revoir avec un regard neuf. Ce qui permet ensuite de faire, par exemple, beaucoup de coupes, sans avoir l'impression de perdre un bras. A chaud, on a toujours du mal à amputer ce qu'on vient d'écrire, souvent en y mettant tout son coeur. De plus,"Dieu veille Toulouse" a demandé un grand travail de documentation. Même si les informations transmises dans le livre ne sont pas véridiques, elles doivent néanmoins en présenter l'aspect. Le lecteur doit être persuadé, du début jusqu'à la fin, qu'il avance paradoxalement dans une vraie fausse réalité.

Qui est la victime ?

La première victime du livre doit être le lecteur. Il doit succomber, surtout pas d'ennui, mais de plaisir, parce qu'il a marché, parce qu'il a été tenu en haleine. A ce titre, l'auteur, grand criminel en son for intérieur, rêve d'une hécatombe. Hécatombe de lecteurs, bien entendu. Sinon, dans "Dieu veille Toulouse", les victimes sont multiples et la ville perd la boule. 

Reconstituez-nous la scène du crime ?

Dans le monde réel, la ville de Toulouse s'est vue propulsée sous les feux des projecteurs, durant ces premières années 2000, à cause d'une affaire sordide ultra-médiatisée et de la catastrophe AZF. C'est dans ce climat que se déroule "Dieu veille Toulouse", une ville comme soudainement vouée au mauvais sort. Ajoutez à cela, un directeur de la police régionale "déplacé" pour manque d'efficacité dans la résolution d'enquêtes criminelles, une délinquance en augmentation et des manifestations de commerçants en colère contre l'insécurité, une rivalité police-gendarmerie dans certaines affaires locales, une prison taudis au centre de Toulouse avant son déplacement hors la ville, il y avait de quoi bâtir un roman noir, en ajoutant le grain de sel de la fiction.  

Quels sont les suspects ?

Dans un roman policier, tout le monde est suspect, tout le monde à des petites ou des grandes lâchetés à se reprocher, à commencer par les policiers eux-mêmes qui ne sont pas exempts, dans "Dieu veille Toulouse", de défauts et de vices. Et, a contrario, les assassins ne sont pas forcément des crapules. Tuer est inexcusable, et pourtant, à l'instar des procès d'assises où l'on fait ressortir des circonstances atténuantes, les mobiles, dans "Dieu veille Toulouse", peuvent transformer les convictions les plus solides. Franz Dieu, l'inspecteur et héros de ce roman, en fera l'expérience. Il y a coupables et coupables, et les policiers ne résolvent pas forcément toutes les énigmes. 

Des complices ? Des témoins ?

Forcément, les lecteurs. Eux savent à la toute fin du récit, contrairement aux personnages qui demeurent avec leurs interrogations ou leurs fausses certitudes. Ce sont les lecteurs qu'il faudrait faire passer à table, pour confronter leurs témoignages. Sans nul doute, aucun n'aurait la même version de l'affaire, en tout cas peut-être pas celle de l'auteur.

Avez-vous l'âme d'un récidiviste ?

Une suite à "Dieu veille Toulouse" est en cours d'élaboration, avec toujours la ville au coeur du récit. De nouveau, une série de meurtres met en émoi la population, tandis que dégénère une rivalité entre gangs.

Un dernier mot pour votre défense ?

"La lecture, ce vice impuni", a dit Valéry Larbaud. On pourrait ajouter que l'écriture de roman policier est comme un crime parfait. 

Propos recueillis par Audrey Cluzel et Amélie Flet, janvier 2005.





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